Lors des formations que je dispense en entreprise, ou en tant qu’enseignante pour mes étudiant(e)s en management de l’immobilier, je ne manque pas de rappeler que le budget immobilier est l’un des deux postes les plus importants pour une entreprise utilisatrice.

Une étude de BNP Paribas – Real Estate publiée en 2016 avait déjà révélé que les utilisateurs faisaient de la rationalisation des coûts de gestion l’un de leurs objectifs prioritaires, avec l’optimisation des performances énergétiques et la qualité des services liés au bâtiment.

Ce constat s’est d’autant plus renforcé ces derniers mois avec la crise du COVID-19.

Les coûts immobiliers incluent non seulement les loyers mais également l’ensemble des charges liées à l’occupation immobilière :

  • Les charges communes, facturées par les propriétaires, par leurs gestionnaires ou par les syndics de copropriété, portant sur les espaces, infrastructures et équipements communs ;
  • Les charges d’exploitation supportées directement par les entreprises locataires pour leurs surfaces privatives.

Les grands utilisateurs, notamment, sont de mieux en mieux outillés et accompagnés pour analyser leurs coûts immobiliers, et n’hésitent pas à étudier à la loupe les charges qui leur sont refacturées, à mettre la pression sur leurs bailleurs pour diminuer les coûts, les pousser à renégocier les contrats d’entretien voire à demander la modification les règles de répartition des charges en copropriété !

Les modes de travail évoluant, accentués par la crise du COVID-19, le flex-office devient de plus en plus usité, comme l’ABW (Activity-Based Working) ou le coworking, plus adaptés aux nouveaux usages de travail et à la mobilité grandissante des actifs.

Les méthodes d’analyse du poids des charges immobilières pour les utilisateurs évoluent elles aussi.

Ainsi, l’ARSEG a publié son étude BUZZY-RATIOS 2019, situant le coût moyen annuel du poste de travail à 13.5 k€/poste de travail, incluant loyer et charges.

Par ailleurs, le renforcement de l’encadrement des charges locatives découlant de la Loi Pinel du 18 juin 2014 a permis une meilleure lisibilité et une anticipation de ces charges pour les utilisateurs.

Cette loi et son décret « charges » ont fait supporter une responsabilité supplémentaire sur les bailleurs, qui doivent être capables de présenter et de justifier les charges locatives, au moment de la signature du bail et en cours de bail.

Les bailleurs ne peuvent en outre plus refacturer la totalité des charges immobilières sur leurs locataires, une partie d’entre elles restant donc non refacturable… et donc supportée par les bailleurs, interdisant de droit les baux « triple net ».

C’est dire si les enjeux d’une optimisation de la gestion d’un immeuble tertiaire deviennent incontournables pour les locataires, les propriétaires, et plus largement pour toute la chaîne de valeur :

  • Le promoteur constructeur doit travailler avec les architectes, les maîtres d’œuvres ou encore les économistes de la construction pour définir les matériaux, infrastructures et équipements qui permettront de générer des économies intelligentes, tant au niveau de la construction qu’au niveau de l’anticipation de la gestion future de l’actif immobilier, tenant compte également des règlementations toujours en plus nombreuses (sécurité incendie – sûreté, RSE, performance énergétique …).

C’est une nécessité pour être compétitif, vis-à-vis des investisseurs comme des futurs utilisateurs.

  • L’investisseur bailleur doit pouvoir proposer à ses locataires un niveau de charges le plus faible possible couplé à un niveau élevé de services, en adéquation avec les nouveaux usages de travail.

En véritable équilibriste, il doit également s’assurer de la pérennité de son patrimoine tout en maîtrisant les charges non refacturables, afin de proposer à ses actionnaires un niveau attractif de revenus (loyers perçus diminués des charges non refacturées).

  • L’entreprise utilisatrice est à la recherche permanente de compétitivité et, avec la crise due au COVID-19, cherche plus que jamais des sources d’économies. Coûts de personnel et coûts immobiliers sont donc directement concernés puisque ce sont eux qui se taillent la part du lion dans le budget d’une entreprise « traditionnelle »…

Au-delà de l’analyse des coûts, le propriétaire et son gestionnaire ne doivent jamais perdre de vue que l’utilisateur vit au quotidien dans l’immeuble, qu’il est donc très sensible à la qualité des prestations proposées et à l’entretien des parties communes.

Si les charges sont élevées mais que le niveau de prestations est qualitatif et qu’il sert ses intérêts (image de marque, attractivité pour les salariés, accompagnement de la performance…), et dans la mesure où ce budget reste « absorbable », l’entreprise utilisatrice sera un locataire « au long cours » pour le bailleur, générant des loyers garantis.

En revanche, si les prestations sont décevantes, si l’occupation entraîne pour le preneur des coûts d’exploitation importants (surcoût de coût de chauffage dû à une mauvaise isolation, par exemple) si elle subit des désagréments dans son quotidien (problématiques soulevées au niveau du Property Manager, non résolues régulièrement …), et quand bien même le niveau de loyer et de charges serait dans la norme, le locataire n’hésitera pas à résilier son bail avant son terme, voire même à porter ses doléances devant les tribunaux s’il a subi des préjudices durant son occupation ou dans son activité.

Le stock de surfaces de bureaux et de commerces, amené vraisemblablement à augmenter, obligera les bailleurs à mettre en place une véritable stratégie de gestion des services et des charges, pour convaincre les entreprises utilisatrices de signer avec eux, au-delà de la négociation des loyers.

S’il est maintenant une évidence que la bonne gestion des charges est devenue, plus que jamais, un enjeu majeur pour tous, personne ne doit perdre de vue que la bataille se joue aussi sur le terrain… La « vraie vie », le quotidien vécu par l’occupant, sa situation économique et sociale et l’évolution des usages et des technologies, voici ce qui décidera in fine de l’avenir du bail…

LA GESTION DES COUTS IMMOBILIERS : PLUS QUE JAMAIS UNE PRIORITE ?

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